Monsieur: le sens de l’État
Jacques Parizeau, 1930-2015, ancien premier ministre du Québec
M. Jacques Parizeau est décédé cette semaine. On le surnommait « Monsieur ». J’ai été appelé à commenter ce décès et j’ai donc dû fouiller dans ma mémoire pour voir l’impact de ce personnage sur notre société.
C’était un homme qui venait du milieu bourgeois québécois. Il a été un des premiers Québécois à poursuivre des études en économie, traverser l’océan et aller approfondir ses connaissances en Angleterre et en France. Il a connu l’amour avec l’auteure Alicja Poznanska. Il a fait une brillante carrière d’économiste, a été haut fonctionnaire, professeur et homme politique. Il fut le conseiller économique de Jean Lesage et Daniel Johnson, ministre des Finances sous le gouvernement Lévesque de 1976 à 1984.
Il a joué un rôle clé dans la nationalisation de l’électricité au Québec, la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec et la mise en place de la Régie des rentes du Québec. Fédéraliste, il devient souverainiste en 1967 et se joint au Parti québécois en 1969.
M. Parizeau croyait que l’éducation était une des clés fondamentales du développement des Québécois, une autre étant l'entrepreneuriat. M. Parizeau était apprécié de la jeunesse, aimant fréquenter les institutions d'enseignement pour s’adresser aux jeunes quand il n’était pas lui-même professeur.
Pour une grande partie de nous, il demeure associé au référendum de 1995. Premier ministre du Québec depuis un peu plus d'un an, il démissionnera le lendemain, le 31 octobre. Il voulait être à la tête d’un état et non d’une province.
Dans la communauté fransaskoise, ce référendum fit pas mal de vagues. Le conseil d’administration de l’Association culturelle canadienne-française de la Saskatchewan (ACFC) était divisé sur la question et le comité exécutif tentait de prendre position. Une délégation de la Saskatchewan participa d’ailleurs au rassemblement de Montréal.
Je me souviendrai de M. Richard Nadeau, souverainiste convaincu, président de l’Association canadienne-française de Saskatoon (ACFS), qui deviendra plus tard député du Bloc québécois Il était très articulé sur la question. Et il y avait M. Rolland Pinsonneault, ce grand Fransaskois, qui en venait à la conclusion que le Québec devrait probablement se séparer si les Québécois ne voulaient pas connaître le sort de leurs compatriotes ailleurs au Canada. Rester ou quitter la Confédération canadienne: les arguments fusaient de part et d’autre ainsi que beaucoup de promesses plus ou moins restées sans suite…
Au-delà de la partisanerie et de cet épisode, M. Parizeau joua un rôle important auprès des bailleurs de fonds des gouvernements dont il a fait partie. « Monsieur », en complet trois pièces, mettaient en confiance les bailleurs de fonds potentiels pour les grands projets de la Révolution tranquille. Un peu comme le premier ministre saskatchewannais Tommy Douglas qui dû affronter les financiers nord-américains après l’élection de son gouvernement « communiste », la Co-operative Commonwealth Federation (CCF).
Jean Lesage, Daniel Johnson, René Lévesque, Tommy Douglas, représentaient la passion de la politique, alors que les Jacques Parizeau et Clarence Fines (ministre du Conseil du trésor sous le gouvernement CCF) représentaient la raison, un équilibre essentiel pour le développement d’une société.
Pour la communauté fransaskoise, retenons surtout que Jacques Parizeau a été au bout de sa conviction, jusqu’à la fin. Il incarnait l’état, peu importe le statut qu’on lui donne. Il me rappelle Rolland Pinsonneault, convaincu jusqu’au bout, incarnation de la Fransaskoisie. Deux grands hommes, deux grands modèles, pour qui l’éducation était le fondement de toute communauté.
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