Feux de forêt : les incendies consument aussi la santé mentale
Alors que la Saskatchewan subit l’un des pires débuts de saison des feux de forêt de son histoire, la gestion des évacuations et la santé mentale des victimes se retrouvent au centre des discussions.
Trois millions cinq cent mille hectares, soit les deux tiers de la Nouvelle-Écosse : c’est la surface de forêts consumées par les feux depuis le début de la saison 2025 au Canada.
Mais par-delà les dégâts physiques et environnementaux, c’est la santé mentale des habitants des Prairies qui est affectée.
En 2025, l’entreprise de restauration FirstOnsite a mesuré que plus de deux Canadiens sur trois étaient inquiets quant aux effets des feux de forêt et des fumées, un chiffre qui atteint 83 % dans les provinces des Prairies.
Un pic qui pourrait être lié aux étés dramatiques de 2023 et 2024 selon Curtis Azevedo, responsable des Prairies pour FirstOnsite, une entreprise spécialisée dans le nettoyage et la restauration de propriétés endommagées par des catastrophes naturelles.
Il faut dire que, au cours de ces deux dernières années, des dizaines de milliers de Canadiens ont été déplacés en raison des feux, la ville de Jasper a brûlé et de lourdes nappes de fumées ont stagné sur une bonne partie du pays.
Une prise de conscience récente
« On considère souvent les dommages et les pertes matérielles liées à des événements majeurs, mais on oublie souvent la santé mentale des gens », souligne Curtis Azevedo.
Pourtant, un rapport gouvernemental publié en 2024 annonce « une augmentation de la prévalence des effets sur la santé mentale (anxiété, dépression, stress post-traumatique) dans les communautés touchées par les feux de forêt ».
Un an et demi après l’évacuation de Fort McMurray en 2016, les symptômes de dépression et de pensées suicidaires ont grimpé chez les jeunes de la 7e à la 12e année au sein des communautés déplacées.
Pire, ces symptômes se sont aggravés avec le temps selon une seconde étude qui montre une augmentation nette trois ans et demi après la catastrophe.
Dans le nord de la Saskatchewan, touché en ce début d’été par des feux inhabituellement précoces et intenses, le déplacement et l’accompagnement par les autorités de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la région de La Ronge posent question.
Comme l’explique Curtis Azevedo, « l’augmentation de l’anxiété vis-à-vis des feux n’est pas forcément corrélée à une meilleure préparation ».
De nombreuses familles se retrouvent encore dépourvues ou en manque de contacts et d'informations quand survient la catastrophe.
Paul-Émile L’Heureux, installé à Nipawin à quelques kilomètres au sud du feu Shoe, est depuis début juin aux premières loges de ces dispositifs.
Préparé, il ne planifie pas de quitter sa ferme pour le moment, notamment car il compte sur sa communauté et ses voisins proches pour prévenir l’arrivée du danger.
« La situation est inquiétante, c’est stressant de lire jour après jour à propos de la boucane, de voir les avions passer, mais le feu reste assez loin et nous avons mis nos équipements en sécurité », témoigne le Fransaskois.
Encore des efforts
Plus au nord, à Candle Lake, La Ronge, ou Weyakwin, les habitants n’ont, eux, pas eu le choix que de partir. Et parfois de quitter leur communauté sans pouvoir faire de retour.
Vivian Ruiz-Arcand, éducatrice à La Ronge, expliquait à SaskToday la douleur et l’anxiété que pouvait provoquer un tel départ.
« Certains ont abandonné leurs animaux, pensant rentrer dans quelques jours. Des maisons ont déjà disparu. Même si les encouragements sont importants, nous avons surtout besoin d’aide concrète. »
Le 10 juin, en conférence de presse, la défenseure des droits de la Saskatchewan Sharon Pratchler a pointé du doigt le manque de structure et d’organisation du gouvernement de la Saskatchewan pour faire face aux feux.
« Les délais observés dans l’accès aux services de première nécessité, à un endroit pour dormir et à de la nourriture ont nourri la défiance envers les autorités », a-t-elle souligné.
À Nipawin, pour le moment épargné par les flammes, Paul-Émile L’Heureux reste sur ses gardes. Ce qui ne l’empêche pas aussi de regretter certains choix gouvernementaux quant à la protection contre les feux.
« Il n’y a pas assez de budget mis dans le combat contre les feux, et on parle encore d’augmenter la production de pétrole et d’allonger les pipelines dans la province… Ce n’est pas de ça que la planète a besoin », conclut le fermier.
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