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Article de l'Eau vive

Anonym
/ Catégories: 2014, Politique

Le bilinguisme des cours supérieures

Le Barreau fera-t-il pencher la balance?

Les juges de la Cour suprême seront-ils tous bilingues un jour? Pas nécessaire, selon le gouvernement conservateur. Mais l’Association du Barreau du Canada (ABC) donne du poids au mouvement et demande au ministre d’intervenir.

L’ABC a confirmé, à l’issue de son Conseil national du 22 février, « que le bilinguisme fait partie du critère de mérite dans le processus de nomination des juges, » en adoptant une résolution supportant l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles.

« C’est important pour nous, l’accès à la justice en français, insiste Marie-Andrée Vermette, ça fait longtemps qu’on sait qu’il y a un problème. » La Conférence des juristes d’expression française de common law de l’ABC, que préside l’avocate, est à l’origine de la proposition. « On en parle beaucoup en ce moment, se réjouit l’avocate de Toronto, c’est comme une tempête parfaite. »

La nomination des juges au sein des cours supérieures et d’appel dans les provinces et territoires est la responsabilité du ministre fédéral de la Justice. L’ABC invite Peter MacKay à « nommer un nombre approprié de juges bilingues ayant les compétences nécessaires pour présider des instances dans la langue officielle de la minorité ».

Selon la résolution, le processus actuel « n’a pas assuré la nomination d’un nombre suffisant de juges ayant les compétences requises ». On n’a qu’à penser au jugement de la Cour d’appel de l’Alberta dans la cause Caron, rendu le 21 février : le panel de trois comprenait deux juges unilingues.

La conseillère principale des Relations avec les médias à Justice Canada laisse entendre que le ministre consulte déjà. « Avant de procéder à une nomination, explique Carole Saindon, le gouvernement consulte le juge en chef de l’instance concernée afin de connaître les besoins du tribunal, notamment sur les capacités linguis-tiques requises ». 

Et la Cour suprême?

La question du bilinguisme à la Cour suprême du Canada a refait surface aux Communes le 27 février. Le gouvernement Harper a de nouveau rejeté l’idée d’ajouter le critère du bilinguisme pour le choix des candidats. Il réagissait ainsi au dépôt, pour la 3e fois depuis 2006, d’un projet de loi du député néo-démocrate Yvon Godin, avec l’appui des libéraux.

La ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, Shelly Glover, s’est prononcée en 2013 contre le projet de bilinguiser le plus haut tribunal. Deux des neufs juges sont unilingues. Il suffit que la juge en chef soit bilingue, aurait déclaré Maxime Bernier, ministre d’État à la Petite entreprise et au Tourisme.

La résolution de l’ABC demande au ministre de la Justice de bonifier le programme de formation linguistique de la magistrature et d’ajouter un module sur les droits linguistiques. Il invite aussi le ministre à « agir en collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi que les juges en chef des cours supérieures et des cours d’appel ».

Ces demandes font suite à divers rapports, explique Marie-Andrée Vermette, dont celui de 2012 du gouvernement ontarien intitulé Accès à la justice en français. Le bilan du Comité consultatif de la magistrature et du barreau pour les services en français, coprésidé par Paul Rouleau de la Cour d’appel, contenait 17 recommandations dans neuf secteurs d’activités.

En 2013, une étude du commissaire aux langues officielles du Canada, en partenariat avec ses homologues du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, s’est penchée sur la capacité bilingue actuelle des juges. Les résultats ont révélé de nombreux obstacles qui empêchent les Canadiens de se faire entendre devant les tribunaux « dans la langue officielle de leur vécu, de leur culture et de leur identité ».

Selon le commissaire Graham Fraser, « aucun citoyen ne devrait subir des délais et des coûts supplémentaires parce qu’il a choisi de se faire entendre en français ou en anglais ». Pour lui, il s’agit d’engager la population canadienne à participer dans une « discussion essentielle au sujet de l’identité canadienne. »

La prochaine étape, selon Marie-Andrée Vermette, c’est de voir comment le ministre fédéral va réagir aux recommandations. « On lui a demandé de nous faire connaître ses intentions avant le 1er septembre prochain. »

Selon la porte-parole Carole Saindon, « le ministre de la Justice apprécie recevoir l’avis des groupes intéressés au sujet de nominations particulières. Il invite les associations de juristes francophones à inciter leurs membres à poser leur candidature à la magistrature. »

La situation en Saskatchewan

• Il y a présentement trois juges bilingues à la Cour provinciale, deux juges bilingues à la Cour du banc de la Reine et une juge bilingue à la Cour d’appel de la Saskatchewan.

• Il y a une greffière bilingue à Saskatoon et une à Regina.

• Le service d’aide juridique peut faire appel à des avocats parlant français.

• Près de 50 lois ont été adoptées dans les deux langues.

Selon Maître Roger Lepage, le juge en chef nomme encore des juges unilingues anglophones pour gérer des dossiers en français. L'interprétation consécutive, plutôt que simultanée, ralentit les procédures et augmente les coûts. De plus, il n'y a pas suffisamment de greffes bilingues ni de panneaux d'affichages bilingues, ni de médiateurs bilingues.

 

 

Citation :

« Aucun citoyen ne devrait subir des délais et des coûts supplémentaires parce qu’il a choisi de se faire entendre en français ou en anglais ».

Graham Fraser, Commissaire aux langues officielles

 

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