Bilan des langues officielles: Des progrès mais pas toujours évidents
Le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.
Photo: CLO (2014)
La Loi sur les Langues officielles est beaucoup moins sur le radar qu’il y a 10 ou 15 ans. Mais le portrait n’est pas noir pour autant car « les succès sont invisibles et les échecs, évidents. » C’est le constat que dresse le Commissaire aux Langues officielles, Graham Fraser, lorsqu’on lui demande de dresser le bilan des dernières années au niveau de l’offre de services bilingues à la population.
« On n’y pense plus lorsque ça fonctionne », dit-il, lors d’une longue entrevue accordée à Francopresse. Il donne l’exemple du Centre national des Arts où le spectateur se fait accueillir dans les deux langues et diriger à son siège en français et en anglais.
Selon lui, il y a des institutions qui ont vraiment donné un coup de barre pour offrir des services dans les deux langues : Patrimoine canadien, Via Rail, Statistiques Canada, le CNA et les Jeux olympiques de Vancouver, sauf pour la cérémonie d’ouverture qui était « lamentable ». Une entente a été signée avec les organisateurs des Jeux panaméricains pour assurer des services bilingues. De son côté, l’Agence du revenu du Canada a instauré des mesures pour accélérer le traitement de plaintes. Un pas dans la bonne direction, affirme M. Fraser, qui note au passage qu’on a cependant fermé des comptoirs d’accueil au public.
« Il y a un échec lorsqu’il y a un niveau de frustration », reprend le commissaire. Par exemple, la nomination de juges unilingues anglophones à la Cour suprême du Canada a fait couler beaucoup d’encre, une décision regrettable qu’il a dénoncée. Il appuie le projet de loi du député néo-démocrate Yvan Godin en ce sens.
Harper « rigoureux »
Au fil des ans, note le commissaire, les attitudes des Canadiens ont changé vis-à-vis le bilinguisme institutionnel. Le visage public du gouvernement Harper est à ses yeux un exemple du succès invisible de la dualité linguistique. C’est la première fois au Parlement qu’il y a autant de ministres de l’Ouest bilingues, ajoute-t-il. Ce sont des produits des programmes d’immersion en français au Canada et non, comme c’était le cas auparavant, des écoles privées en Suisse ou ailleurs. Il faudrait que le bilinguisme devienne la langue d’ambition personnelle pour les avocats et les juges tout comme cela se fait dans d’autres secteurs.
Autres signes encourageants : le premier ministre Stephen Harper est « très rigoureux » au niveau de l’utilisation des deux langues « en toutes circonstances » et, une première dans l’histoire canadienne, la majorité des premiers ministres provinciaux sont bilingues.
Mais ce qui est intriguant, c’est la tendance à la baisse du nombre de plaintes. Que faut-il en conclure? Est-ce généralisé? La jeune génération, friande de services de services sur le Web, est-elle désabusée? A-t-elle renoncé à déposer des plaintes? Ou encore, est-ce que les services se sont améliorés?
Le Bureau du commissaire a entrepris une étude en ce sens. Pour l’heure, M. Fraser y va de sa propre théorie. Puisqu’il y a de moins en moins de contacts en personne entre les fonctionnaires fédéraux et le public et de plus en plus de services bilingues offerts sur le site Web des institutions, il se peut que les citoyens y trouvent leur compte.
Que ce soit pour renouveler un passeport ou pour payer ses impôts, les formulaires sont disponibles en ligne dans les deux langues officielles, ce qui n’a rien de déshumanisant à ses yeux.
« C’est beaucoup plus facile de s’assurer que les services soient disponibles dans les deux langues officielles quand on passe par des formules disponibles sur Internet. Même chose pour les centres d’appel. »
Cela dit, il y aura toujours pour certaines institutions fédérales l’obligation d’avoir un contact face à face avec le public voyageur, par exemple, les services frontaliers, Air Canada, les autorités aéroportuaires, et l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Et là, le succès n’est pas toujours évident.
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