Sharon Pulvermacher: La vulnérabilité, un défi de la créativité
Les défis de la créativité
Crédit : Sharon Pulvermacher
Je me sentais si petite. Si vulnérable. Exposée. Francophile, je venais de m’inscrire dans un cercle des écrivains francophones où les participants étaient tous des auteurs publiés. Ils partageaient des textes en développement et s’ouvraient à la critique des autres. Le français était leur langue maternelle, leur principal outil de création, et leur passion.
Moi, anglophone d’origine, je n’avais que la passion de la langue. Les autres participants semblaient bien à l’aise dans ce milieu. Je l’étais beaucoup moins. Je suis artiste visuelle de longue date et je connais bien les défis d’exposer mes œuvres créatives au vu et au su d’autres artistes professionnels. Mais là, je venais de me lancer dans la création littéraire d’un conte folklorique. J’étais donc loin de ma zone de confort.
On nous exhorte souvent à continuer à apprendre tout au long de la vie. Cela étant dit, je constate qu’apprendre devient de plus en plus exigeant avec l’âge et, étonnamment, avec l’expérience. Durant l’enfance, il est tout naturel de cultiver une attitude de curiosité et d’ouverture envers la nouveauté. À l’âge d’adulte, on a tendance à penser qu’on a déjà appris tout ce qui est nécessaire, et que si on ne l’a pas encore appris, c’est qu’on n’en a pas besoin ! Je sais maintenant que cette attitude de réticence peut cacher, sans qu’on s’en rende compte, un sentiment plus sensible : la vulnérabilité.
Revenons au cercle des écrivains. Nous débutions la session Zoom avec une activité d’écriture créative en réponse à un texte affiché à l’écran. Nous avions trente minutes. Une éternité de temps insuffisant, où il me fallait comprendre les nuances du texte proposé, ici un extrait de Molière, concevoir une réponse intelligente / surprenante / géniale et la présenter avec aise et fluidité aux autres. J’hyperventilais. J’effectuais des recherches frénétiques sur le site du Dictionnaire Reverso. Je courrais vers mon mari francophone pour vérifier des tournures de phrase. Je prenais de profondes respirations avant de bégayer mes cinq lignes de texte. Quel défi !
Après cet exercice d’ouverture, nous nous lancions dans la critique des textes. C’était une occasion inouïe d’explorer un vocabulaire plus riche, un ton plus évocateur ou des constructions de phrases plus précises. Le texte soumis était affiché à l’écran et, à tour du rôle, les participants lisaient un extrait à haute voix et offraient des commentaires constructifs. Bien entendu, l’auteur restait toujours maître de son texte. Les suggestions n’avaient que pour but de l’amener à le peaufiner. Mais, pourquoi donc me sentais-je si intimidée ?
C’est facile d’être déboussolée par des craintes associées à un nouvel apprentissage. Et il est évident qu’au niveau technique, je n’avais à ma disposition que des outils d’une autrice débutante. Même un effort acharné à l’écrit ne me permettait pas nécessairement de capter le meilleur de mes pensées. Mais, ce qui est peut-être plus important, je prenais un risque partagé par tous les créateurs, qu’ils soient artistes visuels ou écrivains, professionnels ou débutants : l’acte de dévoiler son for intérieur. J’étais vulnérable, et là, la peur rôde toujours autour. Pour me protéger, mon instinct de survie remettait tout cet exercice de participation en question. Peut-être que mon texte était tout simplement assez bien comme il l’était ?
À plusieurs reprises durant chaque session, je prenais de grandes respirations. Elles me ramenaient à mon corps, pour que je puisse calmer mes pensées errantes et rester ancrée, ouverte. De là, j’agissais comme si j’étais assez confiante pour participer pleinement, même si mon cœur palpitait et ma langue trébuchait. Ainsi, je prenais soin de cette partie chère de mon moi intérieur qui se sentait si petite et exposée, tout en approfondissant mes capacités d’artiste et même d’être humain. Oui, j’avais tant besoin de cette communauté accueillante et riche d’expérience pour améliorer, non seulement mon texte, mais aussi moi-même. Je leur en suis profondément reconnaissante.
Maintenant, c’est à votre tour. Quel est ce geste créatif que vous seul pourriez réaliser ? Une fois que vous l’aurez identifié, trouvez-vous une communauté passionnée, chaleureuse et franche qui peut vous soutenir. Et surtout, n’oubliez pas de respirer.
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