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Article de l'Eau vive

Des chefs d’État d’une autre époque
Mychèle Fortin

Des chefs d’État d’une autre époque

Récemment, je me suis surprise à penser au président américain Ronald Reagan et au premier ministre canadien Brian Mulroney, chantant ensemble When Irish Eyes Are Smiling. Certains s’en souviennent peut-être. C’était lors d’une Rencontre au Sommet, à Québec, en février 1985, qu’on a surnommé le Sommet des Irlandais.

À son arrivée, Ronald Reagan avait déclaré : « Nous sommes davantage que des amis, des voisins et des alliés, nous sommes des parents qui ont établi la relation la plus productive entre deux pays. »

Pourtant, les sujets à l’ordre du jour ressemblaient drôlement aux enjeux d’aujourd’hui : fluidité de la frontière, libre-échange, sécurité, environnement, souveraineté dans l’Arctique, divergences sur la politique étrangère. Ce qui n’a pas empêché le Sommet de se clore sur une chanson.

Quarante ans plus tard, peu de gens, sauf une poignée d’oligarques multimilliardaires, ont envie de chanter.

Quarante ans plus tard, on assiste au démantèlement de la République américaine et à la naissance d’un régime autoritaire, dirigé par un homme affirmant jouir d’une protection divine pour « redonner à l’Amérique sa grandeur ». Quitte à foutre le bordel partout sur la planète.

Le président le plus pauvre du monde

Pas facile de jeter un coup d’œil sur le monde ces temps-ci et de bien dormir. On a besoin de lumière, d’inspiration, d’espoir. On a besoin de modèles.

On a besoin d’un José Mujica Cordano Alberto, communément appelé Pepe Mujica, président de l’Uruguay de 2010 à 2015, icône de la gauche en Amérique latine.

Né en 1935 à Montevideo dans une famille modeste de fermiers, José Mujica s’engage très tôt auprès d’activistes sociaux avant de rejoindre, dans les années 1960, la guérilla des Tupamaros, un mouvement de libération nationale d’extrême gauche.

Arrêté, il s’évade à deux reprises avant d’être emprisonné et torturé. Il passe plus de dix ans derrière les barreaux, dont deux au fond d’un puits. Libéré en 1985, lorsque l’Uruguay revient à la démocratie après la dictature militaire, il abandonne la lutte armée et opte pour la voie électorale.

Membre influent du mouvement politique du Parti des travailleurs (Frente Amplio), une coalition de partis de gauche, il deviendra député, sénateur, ministre et, en 2010, président de l’Uruguay.

Pendant sa présidence, l’Uruguay a adopté des mesures progressistes : décriminalisation de l’avortement, légalisation du mariage homosexuel, légalisation du cannabis (une première mondiale en 2013), politique de réduction de la pauvreté et d’amélioration des droits sociaux. Lorsqu’une vague de froid frappe le pays en 2012, Pepe Mujica inscrit la résidence présidentielle sur la liste de refuges pour sans-abri.

Le président s’est distingué autant par son style de vie que par ses politiques. Il a délaissé le palais présidentiel pour continuer à vivre sur la petite ferme de son épouse, Lucia Topolansky, près de Montevideo, où le couple a continué de cultiver des fleurs à des fins commerciales.

Sur le site de la présidence, sa profession officielle est « exploitant agricole ». Au véhicule avec chauffeur qu’on lui a attribué, il préfère conduire sa Volkswagen bleue 1987. Enfin, il verse 90% de son salaire mensuel à des œuvres caritatives et un programme de logement social, s’estimant bien nanti avec ce qui reste, soit l’équivalent du salaire moyen en Uruguay, environ 1 300 dollars.

La Constitution uruguayenne n’autorisant qu’un seul mandat présidentiel de cinq ans, celui qu’on a surnommé « le président le plus pauvre du monde » tire sa révérence le 1er mars 2015. Fort respecté sur la scène internationale, il demeure actif et participe à de nombreuses conférences sur la paix, la justice sociale, l’environnement.

Le repos du guerrier

José Pepe Mujica a aujourd’hui 89 ans. Dans une entrevue publiée le 9 janvier dernier dans l’hebdomadaire uruguayen Búsqueda, il révélait être atteint d’un cancer incurable.

« Mon cycle est terminé. Clairement, je suis en train de mourir. Le guerrier a droit à son repos. Qu’on me laisse tranquille. Qu’on ne me demande plus d’entrevue ni quoi que ce soit d’autre. »

Il nous rappelait aussi ce qu’est la démocratie : « Il est facile d’avoir du respect pour ceux qui pensent comme vous, mais il faut apprendre que le fondement de la démocratie est le respect de ceux qui pensent différemment. »

À bon entendeur, salut !

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