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Article de l'Eau vive

Travailler après la retraite : les aînés francophones veulent rester actifs et utiles

Travailler après la retraite : les aînés francophones veulent rester actifs et utiles

Les ainés sont de plus en plus nombreux sur le marché du travail. En bonne santé plus longtemps, ils veulent arrondir leur fin de mois, mais aussi se sentir utiles et socialiser. Victimes de préjugés liés à l’âge, ils ont encore parfois du mal à trouver leur place au sein des entreprises.

«Après huit ans à la retraite, je m’ennuyais un peu de ma communauté. Je voulais bâtir de nouveaux réseaux et je ne voulais plus vivre en retrait», raconte le consultant Jean-Paul Arsenault, résident de l’Île-du-Prince-Édouard.

À 72 ans, l’Acadien a repris du service auprès de diverses organisations de la province. Après 38 ans et demi de carrière, l’insulaire a d’abord profité de ses premières années d’inactivité pour voyager avec son épouse.

Mais, en 2021, il décroche un premier contrat en vue d’établir un service de ressources humaines pour les organismes communautaires francophones. Depuis, il n’a jamais arrêté.

«Ça me fait constamment réfléchir, ça m’oblige à apprendre de nouvelles technologies, ce sont des défis intéressants. Ça me donne beaucoup de satisfaction», confie-t-il.

Jean-Paul Arsenault est loin d’être le seul ainé francophone, officiellement à la retraite, qui exerce une activité professionnelle. «Le pourcentage des revenus des retraités provenant du marché du travail a augmenté au cours des dernières décennies», confirme le professeur d’économie à l’Université de Moncton, Pierre-Marcel Desjardins.

Des ainés francophones moins actifs

Selon les données du recensement de 2016, le taux demploi des francophones de l’extérieur du Québec est autour de 10 %, plus faible que celui des anglophones, qui se hisse à près de 16 %.

«Malgré l’avantage du bilinguisme, les ainés francophones en situation minoritaire vivent souvent dans des régions rurales, où les opportunités professionnelles sont plus rares. Ça peut les désavantager dans leur recherche d’emplois», analyse l’économiste Pierre-Marcel Desjardins.

Des ainés moins pauvres

Avec l’allongement de l’espérance de vie, les gens entre 60 et 65 ans, qui approchent de l’âge traditionnel de la retraite, sont également «en très bonne santé et ne souhaitent pas nécessairement arrêter leur activité», explique Pierre-Marcel Desjardins.

L’économiste constate ainsi que l’âge moyen de la retraite, qui avait tendance à diminuer depuis une vingtaine d’années, recommence à augmenter. En 2024, il a atteint (hommes et femmes confondus) près des 65 ans, alors que dix ans plus tôt, il s’approchait plus des 60 ans.

L’envie d’arrondir ses fins de mois motive une grande partie des salariés aux tempes argentées, en particulier «avec la récente flambée de l’inflation», avance Pierre-Marcel Desjardins.

Cependant, pour la professeure titulaire au Département de communication de la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa, Martine Lagacé, il ne s’agit pas d’un «facteur contraignant». «C’est un moyen vers une fin. Je travaille parce que ça me permet de garder un certain standing de vie, parce que ça me permet de voyager.»

«Il y a toujours des ainés en situation de précarité, mais la pauvreté a globalement diminué depuis la mise en place du régime de pension du Canada et de la sécurité de vieillesse», abonde dans le même sens Pierre-Marcel Desjardins.

À la recherche de flexibilité

Aux yeux de Martine Lagacé, auteure d’une étude menée auprès de 450 femmes francophones âgées de 45 à 72 ans encore sur le marché de l’emploi, la volonté de «transmettre son expertise et sa longue expérience» est également au centre des préoccupations des ainés actifs.

«On est sorti d’un mode de pensée retraite en mode loisir. Il y a un facteur de réalisation personnelle qui joue. Ils veulent se réaliser au travail, sentir qu’ils peuvent apporter quelque chose à leur communauté», observe-t-elle.

La chercheuse évoque enfin l’importance de l’aspect «socialisation pour briser l’isolement», que ce soient les relations avec les collègues ou l’interaction avec les clients.

Quelles que soient leurs motivations, les salariés âgés recherchent avant tout de la flexibilité et acceptent volontiers des temps partiels.

«Ce sont des gens qui veulent garder du temps pour faire autre chose, voyager, s’occuper des petits-enfants, appuie Pierre-Marcel Desjardins. Les employeurs doivent s’adapter et modifier leur modèle traditionnel; 35 heures par semaine, deux semaines de vacances par an, pour tenir compte de cette nouvelle réalité.»

Martine Lagacé appelle de son côté les entreprises à «changer de regard» et à «voir les ainés comme un plus, une mémoire à garder et non comme un poids lourd à gérer».

«Le vent tourne tout doucement, mais les ainés sont encore victimes de stéréotypes en raison de leur âge, déplore-t-elle. Il faut sortir du discours qui voit le vieillissement sur un mode déclin et valoriser leur contribution.»

Solution à la pénurie de personnel

Sur le terrain, Martine Lagacé regrette le manque de mentorats : «Il faudrait que ça aille dans les deux sens, que les ainés transmettent leurs connaissances aux plus jeunes et inversement.»

«Il ne faut pas nourrir les clashs entre les générations, ajoute-t-elle. Le travail des ainés n’entre pas en compétition avec celui des jeunes, il y a une certaine complémentarité, ils ne sont pas à la recherche du même type d’emploi.»

Au-delà des préjugés, les retraités sont «financièrement découragés» de reprendre une activité, estime Pierre-Marcel Desjardins. «S’ils gagnent de petites sommes en travaillant, ils peuvent perdre de l’argent par ailleurs, se faire amputer certains revenus gouvernementaux.»

En pleine pénurie de personnel, les ainés qui persistent à travailler sont pourtant essentiels au dynamisme de l’économie, insistent les chercheurs.

«Nonobstant la situation immédiate où beaucoup d’employeurs hésitent à embaucher à cause du contexte international, la pénurie s’accentuera dans les dix prochaines années et les ainés représentent une solution», considère Pierre-Marcel Desjardins.

À l’Île-du-Prince-Édouard, Jean-Paul Arsenault compte poursuivre son activité «encore quelques années» : «Ça dépendra de ma santé, mais j’aime vraiment ça, je n’ai pas l’intention darrêter à court terme.»

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