La musique d’orgue française : un voyage musical à Regina
Le Club musical de Regina a conclu sa saison 2024-2025 par un concert d’orgue remarquable, présenté le 1er juin à l’église unie Knox-Metropolitan. Ce concert constituait le troisième volet d’une série intitulée Prélude à la guerre : Musique d’orgue de Paris entre les deux guerres.
C’est l’organiste canadienne Valerie Hall qui a offert cette prestation, emplissant l’église de sonorités françaises historiques pour clôturer la saison en beauté.
Originaire de Winnipeg, Valerie Hall a étudié l’orgue à l’Université du Manitoba, puis la musique religieuse à l’Université Concordia de l’Illinois.
Associée du Conservatoire royal de musique en performance vocale, elle enseigne également l’orgue et le chant au Conservatoire des arts du spectacle de l’Université de Regina, en plus de ses projets artistiques personnels.
« On m’a invitée à concevoir un programme basé sur la musique d’orgue française de l’entre-deux-guerres. C’est une période très riche pour le répertoire de l’orgue. J’ai voulu aller plus loin et comprendre pourquoi », a-t-elle expliqué en introduction.
La réponse ? Tout commence avec Johann Sebastian Bach, le célèbre compositeur allemand du 18e siècle.
« Les Français ont atteint un sommet en matière d’orgue, et cela remonte à Bach. Il existe une lignée bien établie, fondée sur ce qu’on appelle la tradition authentique de l’orgue selon Bach. Cette manière de jouer nourrit la virtuosité de l’instrument, ce qui a transformé l’histoire de l’orgue en France », explique la virtuose.
Valerie Hall s’inscrit dans cette lignée musicale : elle se trouve à seulement huit générations du maître allemand.
Aux origines de la tradition
Le programme s’est ouvert avec la Sinfonia de la Cantate No 29 (BWV 29) de Bach, une pièce aussi surnommée « la mélodie Nokia » en raison de son utilisation comme sonnerie par la marque de téléphones.
L’affiche du spectacle « Prélude à la guerre : Musique d’orgue de Paris entre les guerres » présenté par Valerie Hall le 1er juin à l’église unie Knox-Metropolitan à Regina.
Crédit : Valerie Hall
« Avant le 19e siècle, les organistes français utilisaient peu leurs jambes : la pédale servait surtout à l’improvisation liturgique. Elle remplissait une fonction mélodique, et non une base harmonique », a précisé Valerie Hall.
Ce rapport à la pédale évolue sous l’influence d’organistes formés dans la tradition de Bach. L’Allemand Adolf Friedrich Hesse, en tournée en France, impressionne par sa virtuosité.
« Les journaux disaient qu’il jouait mieux avec ses pieds qu’avec ses mains ! » souligne la musicienne.
Ce dernier forme ensuite le Belge Jacques-Nicolas Lemmens, figure clé du renouveau technique français. Lemmens, à son tour, enseigne à Charles-Marie Widor, qui introduit cette nouvelle approche au Conservatoire de Paris à partir de 1890.
« Les étudiants disaient devoir tout réapprendre après son arrivée », relate encore la Canadienne qui a interprété la Symphonie No 2, Op. 13 de Widor, les Variations sur un thème originel, Op. 34 de Hesse et la Fanfare de Lemmens.
Au tournant du 20e siècle, Louis Vierne incarne la transition stylistique. Titulaire du grand orgue de Notre-Dame de Paris de 1900 à 1937, il a été présenté à Regina à travers Naïades, un extrait de sa Suite No 4, Op. 55.
« Ses œuvres ont un caractère sombre, presque schumannien. Naïades, du grec ancien, évoque les nymphes bienveillantes des eaux claires », a précisé Valerie Hall.
Le grand orgue de Notre-Dame, datant de 1730, a été profondément modifié au 19e siècle par Aristide Cavaillé-Coll, devenant alors un orgue symphonique puissant en phase avec l’héritage de Bach.
L’entre-deux-guerres
La deuxième partie du concert était consacrée à l’entre-deux-guerres, avec une emphase sur deux jeunes compositeurs : Elsa Barraine et Olivier Messiaen.
Tous deux étudiants de Paul Dukas au Conservatoire de Paris en 1929, ils étaient membres du groupe Jeune France, qui cherchait à réintroduire un humanisme profond dans la musique.
« Elsa Barraine était aussi militante socialiste et membre de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans son Prélude et Fugue, on sent une tension, une agitation, une absence de résolution », décrit Valerie Hall.
Quant à Olivier Messiaen, catholique fervent et synesthète, il voyait les sons en couleurs. « On le disait mystique, mais il se considérait plutôt comme un coloriste », ajoute-t-elle.
Valerie Hall a interprété deux mouvements de la suite L’Ascension, composée par Messiaen en 1942 et adaptée pour orgue en 1944 : Transports de joie d’une âme et Prière du Christ montant vers son Père.
L’organiste a demandé au public de ne pas applaudir entre ces morceaux. « Je veux que vous ressentiez la progression : on passe de la dissonance de Barraine à la joie extatique de Messiaen, et enfin à la prière cathartique. »
La saison 2025-2026 du Club musical de Regina est déjà disponible.
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