Jeux de la francophonie à Laval : «Ici, tu peux être toi-même»
Les Jeux de la francophonie canadienne (JeuxFC) ont fait leur grand retour après huit ans d’absence. La huitième édition, tenue à Laval, au Québec, a été riche en rencontres, en culture et en accents.
Il est 8 heures jeudi matin, le thermomètre affiche 30 °C de ressenti – humidex compris –, mais des jeunes s’activent déjà dans la cafétéria du Collège Montmorency, à Laval.
Autour des tables, les chandails affichent fièrement les couleurs de toutes les provinces et de tous les territoires. Les JeuxFC accueillent cette année plus de 800 jeunes d’expression française de 14 à 18 ans d’un bout à l’autre du Canada.
«Parler français en dehors de l’école»
Pour la plupart, c’est leur première participation aux JeuxFC, les derniers ayant eu lieu en 2017, au Nouveau-Brunswick. Et nombreux sont celles et ceux qui ont répondu à l’appel.
«Avec 73 jeunes, c’est la plus grosse délégation que l’Île-du-Prince-Édouard a eue aux Jeux, donc on est très content», partage Hayden Cotton, entraineur d’athlétisme et président de Jeunesse Acadienne et Francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (JAFLIPE), l’organisme chargé du recrutement pour les JeuxFC dans la province.
«On voulait le plus de monde possible, donc on a vraiment regardé jusqu’à la dernière date pour trouver des personnes.»
L’Insulaire est habitué à ces grands rassemblements; il a déjà concouru à plusieurs reprises aux Jeux de l’Acadie. Selon lui, c’est dans ce genre d’évènement que la francophonie prend tout son sens.
«Pour plusieurs jeunes – surtout ceux qui viennent de l’immersion –, ça leur donne une opportunité de parler français à l’extérieur de l’école. Parce qu’il y en a beaucoup qui n’en ont pas.»
«Des fois, ce sont les jeunes qui viennent d’immersion qui parlent plus français que ceux qui viennent d’une école francophone», relève-t-il.
«Montrer l’exemple et nos accents»
«C’est tellement l’fun de pouvoir parler à tout le monde en français», se réjouit Mathis, entouré de ses camarades albertains, qui viennent de finir de déjeuner, car les épreuves du matin vont bien commencer.
Sa voisine de table, Sophie, se dit chanceuse de pouvoir se faire des amis. «On a un très bon cercle. Il n’y a pas de jugement, on est à l’aise. Ici, tu peux être toi-même. Les gens sont accueillants, personne ne te fait sentir mal.»
«Ça nous fait comme nous rapprocher. Je me sens faire partie d’un groupe», complète Mathis, qui prend aussi plaisir à entendre tous ces accents et parlers différents.
«On vient pour montrer l’exemple et montrer la diversité de nos accents. C’est beau de voir tous ces jeunes avec ces différents backgrounds. On est aussi là pour les encourager, pour mettre en avant cette francophonie plurielle», souligne Maxime, membre de l’équipe encadrante de la délégation de la Colombie-Britannique.
La province n’a eu aucun mal à recruter des participants, bien au contraire. «On a malheureusement dû dire non à certains», rapporte Cristina, entraineuse de volleyball de plage. Par exemple, pour son équipe, plus de 40 personnes ont postulé pour seulement six places disponibles.
«Notre but est de continuer à aller chercher le plus de jeunes possible pour les prochaines éditions. On ne veut pas les empêcher de vivre leur francophonie à 100 %», ajoute Maxime.
Insécurité linguistique
Tous les bénévoles de l’évènement – pour la majorité du Québec – ont suivi une formation sur l’insécurité linguistique, présentée par des membres du Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique.
«Je ne pensais pas qu’il y avait autant de jeunes francophones dans tout le pays», confie Lorraine, bénévole avec son mari pour la nouvelle épreuve d’art culinaire. «Ça te fait prendre conscience qu’il ne faut pas porter de jugement.»
Hayden Cotton témoigne néanmoins d’un incident, en marge des JeuxFC, dans un magasin.
«Un de mes jeunes d’immersion en français m’a parlé, puis un homme est venu me voir pour me demander quelle langue le gars parlait, parce que cette personne n’avait pas compris que c’était du français. Moi je suis habitué à ça, mais les jeunes ne le sont pas. Comme je ne veux pas faire les jeunes se sentir mauvais, je ne vais pas leur dire que c’est arrivé. Parce que je sais comment, des fois, ça pourrait ruiner les Jeux pour lui.»
Apprentis chefs
«Il reste une heure les chefs, let’s go!»
À l’École hôtelière et d’administration de Laval, on s’affaire derrière les fourneaux. L’art culinaire faisait son entrée au calendrier des épreuves cette année. Au menu : faire son épicerie pour 10 $, cuisiner pendant 90 minutes, puis présenter le plat devant un jury.
Raviolis aux épinards, gâteau de crêpes, pad thaï, soupe réconfortante : les brigades s’organisent et gèrent la tension. «Je suis un peu nerveuse», souffle Émilie, du Yukon, entre deux découpes de légumes. «Il y a beaucoup à faire en peu de temps.»
«J’ai l’habitude de parler anglais chez moi quand je cuisine, donc là je suis heureuse de pouvoir le faire en français», témoigne de son côté Hailey, représentant la Nouvelle-Écosse.
Loïc Fauteux-Goulet, coach culinaire pour la Colombie-Britannique, croit que ces occasions marquent à vie. «Il y a des choses qu’on sait mieux faire en anglais, d’autres en français. Là, c’est chouette qu’ils développent leur art culinaire en français. Ils cuisineront certainement ensuite toute leur vie dans cette langue», assure le gagnant de la saison 7 du Great Canadian Baking Show, sur CBC.
Les apprentis chefs ont également relevé un défi, vendredi, mettant à l’honneur le patrimoine culinaire de leur province ou territoire. Ils devaient apporter une spécialité de chez eux. De quoi célébrer leur identité, devant et dans l’assiette.
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