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« Maudit Québécois », un discours du passé ?

« Maudit Québécois », un discours du passé ?

Le « maudit Québécois » fait-il encore partie du discours des francophones de l’Ouest canadien et de l’Ontario ? Un chercheur s’est penché sur cette question, une aventure qui l’a mené dans sept villes de la francophonie canadienne. Entretien.

C’est quoi le « maudit Québécois » ?

C’est basé sur un stéréotype. Une personne hyper centrée sur elle-même qui ne veut pas entendre parler des autres, qui n’a même pas conscience que les autres existent. Il y en a trois types.

Le premier, c’est celui qui reste au Québec, super nationaliste, qui ne veut même pas entendre qu’il y a d’autres francophones ailleurs.

Le deuxième est un peu plus ouvert. Il va aller sur les lieux, quitte le Québec et visite le Canada, [mais ne comprend pas pourquoi il y a des francophones là-bas].

J’ai une anecdote pour le type deux : j’étais au Café postal à Winnipeg, où ça se déroule en français. Une Québécoise est entrée et a dit « bonjour » pour tenter sa chance. Le barista a répondu « bonjour », et la cliente a répondu « tu parles français ? Comment ça ? T’es au Manitoba. Tu fais quoi, ici ? » Il a répondu qu’il était né là et que sa vie se passait en français, ce à quoi la cliente a répondu « tes parents viennent d’où alors ? » C’est un manque de compréhension.

Le troisième, c’est Denise Bombardier. Le puriste. Le documentaire Denise au pays des francos a causé des conflits, car elle est allée voir des gens qui lui parlaient en français, puis elle leur disait « ta francophonie est en train de mourir ». Denise Bombardier a fait de bonnes choses, mais dans ce documentaire, sa conclusion c’est « la francophonie se perd ».

Quelle place occupe le discours du « maudit Québécois » aujourd’hui ?

Il existe encore. Ce n’est pas quelque chose qui appartient simplement au passé, mais les francophones du Canada ont changé. Ils se rendent compte maintenant que c’est un stéréotype, pour la plupart. Ça appartient à un héritage, à la mémoire collective.

D’une certaine façon, c’est parce que le Québec a fait des tentatives de rapprochement avec des affaires comme le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes.

D’une autre façon, c’est parce que les communautés francophones en situation minoritaire ont elles-mêmes beaucoup changé.

Quelqu’un a utilisé le mot « indépendantisé », un jeu de mots avec [l’indépendantisme revendiqué au] Québec. Ils ont acquis leur souveraineté d’une certaine façon dans le Canada.

Au lieu de se voir maintenant à côté ou en dessous du Québec, ils se voient pour eux-mêmes. L’idéologie du « par et pour » est très présente.

Vous avez passé du temps dans sept villes : Ottawa, Sudbury, Hearst, Winnipeg, Saskatoon, Regina et Edmonton. Qu’en retenez-vous ?

Je retiens l’aspect de la résilience. [...] Ils ont de beaux organismes, comme l’ACUFC [Association des collèges et universités de la francophonie canadienne]. Ça me donne envie de continuer de travailler avec eux. Il y a de belles choses qui se font.

La francophonie canadienne, ce n’est pas une [seule] chose. Ce n’est pas tout basé sur le modèle de la francophonie québécoise avec ses dictionnaires et ses grammaires. Le mélange de l’anglais et du français, c’est ça, la francophonie canadienne.

Tous ces grands discours, toute cette belle résilience, c’est quelque chose qui a été vraiment plaisant à voir.

Pourquoi avoir choisi ce sujet d’étude ?

Je viens de Rouyn-Noranda [au Québec] et j’ai de la famille à Sudbury. Je me rendais compte qu’il y avait souvent des problèmes de compréhension entre les deux communautés.

J’ai pensé à faire une étude pancanadienne. Ça aurait été un gros travail et je n’ai pas obtenu [assez de financement]. Alors j’ai fait ce voyage en char. [...] Je ne suis pas allé en Acadie parce que j’ai l’impression que la francophonie en Acadie est différente. Les rapports entre francophones sont culturels, pas simplement linguistiques.

Les territoires et la Colombie-Britannique, non seulement c’est loin, mais en regardant les statistiques, je me suis rendu compte que le bagage culturel qui cause les conflits avec le Québec, [c’est beaucoup avec des personnes d’origine canadienne française].

Là-bas, à cause de la mondialisation et des changements de population, ce sont beaucoup des Européens et des Africains. Il y a encore des anciens Canadiens français, mais j’ai l’impression que ceux qui sont là maintenant ont moins ce bagage, cet héritage avec les Québécois.

-Justin Labelle est doctorant en anthropologie linguistique à l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux vestiges des tensions entre, d’une part, les francophones en situation minoritaire de l’Ouest canadien et de l’Ontario et, de l’autre, les francophones du Québec. Un ressentiment qui trouve ses origines dans l’histoire.

Pendant les États généraux du Canada français tenus entre 1966 et 1969, dans les Accords de Charlottetown et du lac Meech, et lors des référendums sur la souveraineté du Québec, entre autres, « les autres francophones ont été cachés, mis dans les marges, encore plus qu’ils ne l’étaient déjà », explique Justin Labelle.

Des sentiments de rejet et d’abandon ont ainsi nourri une expression bien connue : le « maudit Québécois ».

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