Élections fédérales : des Fransaskois en région se confient sur leurs préoccupations
À l’approche des élections fédérales, L’Eau vive est allé à la rencontre de Fransaskois pour recueillir leurs opinions sur cette élection charnière. Dans un monde bouleversé et incertain, ces électeurs se confient sur leurs préoccupations et leurs motivations à participer au scrutin. Passage dans les régions.
Robert Carignan – Ponteix
Quelles sont vos attentes dans le cadre de ces élections ?
Ma plus grande préoccupation, c’est la situation entre le Canada et les États-Unis, le manque d’échanges entre les deux pays et la façon dont cela affecte notre économie et nos industries, qu’elles soient minières ou agricoles.
Ce qui me préoccupe aussi, c’est d’avoir un chef qui soit capable de négocier, qui ait de l’expérience dans ce domaine.
Une autre chose, c’est peut-être la façon dont le prochain gouvernement va soutenir les communautés francophones. Je crains que le financement et les fonds qui reviennent aux francophones diminuent.
Si des réajustements budgétaires doivent être faits, j’espère au moins que ce sera fait par une personne qui s’y connaît en économie.
Comment le Canada peut-il s’épanouir à votre sens ?
Le Canada a toujours enduré toutes sortes de défis. Et puis il a gagné sa réputation comme une confédération forte. Cette fois-ci, il va falloir avoir une collaboration de toutes les provinces. On en a deux qui tirent beaucoup de l’arrière à cause de leur tendance politique ainsi que de leur discours constant d’opposition.
Malgré cela, je suis sûr que le Canada va trouver un moyen de se battre et de trouver la bonne voie économique.
Plus que le futur, on doit regarder ce qui est arrivé par le passé. L’Histoire est censée nous donner des leçons. Je pense que nous n’avons pas réussi à apprendre des leçons, il faut faire attention.
Dans le passé, il y a eu des gouvernements qui ont essayé de contrôler, de concentrer tout le pouvoir, mais on sait que ça n’a pas fonctionné. Alors mon espoir, c’est de voir le Canada surmonter ces défis. Ça va prendre du temps.
Quelle place pour la communauté francophone dans ce futur ?
La communauté francophone est bien représentée, il y a divers regroupements, comme l’ACF [Assemblée communautaire fransaskoise], qui fait partie d’un regroupement national des francophones du pays.
Et puis, au niveau fédéral et dans le développement économique, nous avons le RDÉE [Réseau de développement économique et d’employabilité de l’Ouest].
Ces gens, avec les élus, sont responsables d’aider la francophonie. Leur travail est important, surtout les gens de l’Ouest. Cela nous donne de l’espoir et montre que la francophonie n’est pas une chose qui est en train de mourir. Au contraire, elle est en train de se développer.
Martin Prince – North Battleford
Qu’est-ce qui vous motive à voter à ces élections ?
En tant qu’agriculteur, je suis un peu déçu par la place que les problèmes du milieu agricole ont tenue lors de cette campagne. On parle un peu de la gestion de l’offre, notamment au Québec, mais pas plus que ça. En revanche, on parle beaucoup de l’industrie automobile en Ontario, de l’industrie de l’énergie.
On parle des tarifs des États-Unis, ce qui nous tient dans une grande incertitude pour la prochaine récolte, mais aucun parti n’a fait mention que la Chine va également surtaxer de 100 % certains produits de nos champs, comme les pois et le canola.
Je partage cette déception avec d’autres agriculteurs. Ce n’est pas très intelligent, car notre contribution économique est énorme, notamment dans l’alimentation de nos concitoyens, mais aussi pour d’autres marchés partout dans le monde. Tout en prenant en compte les avancées technologiques et l’environnement.
Les candidats ont parlé de leurs bonnes intentions et des grandes lignes de leur programme, mais au bout du compte, nous avons besoin de faits pour créer de la confiance.
En parlant de confiance, comment entrevoyez-vous le futur ?
Déjà, j’ai moins cette crainte sur la souveraineté et cette histoire du 51ᵉ État. Je pense qu’il faut la mettre derrière nous.
Dans le futur, nous devons aussi faire moins attention à tout ce cirque médiatique qui vient des États-Unis. Il faut les écouter, prêter attention, mais en fin de compte, nous devons un peu les ignorer. Ce sera bon pour notre moral et notre santé. Ils s’occupent de leurs affaires et nous des nôtres. C’est sûr que dans les prochaines années, je ne sais pas si j’irai aux États-Unis. Il y a d’autres pays dans le monde qui voudront bien nous accueillir.
L’autre grande question, c’est l’intelligence artificielle. Ça peut faire peur, comme l’ont fait d’autres grandes révolutions technologiques du passé, mais nous rentrons dans une phase où il va falloir s’adapter.
Dans mon travail, nous apprenons à l’utiliser, mais je pense que dans cinq ans on va commencer à avoir une utilisation concrète dans nos prises de décision, dans le travail administratif et comptable, par exemple.
Quelle place peut occuper la communauté francophone dans ce futur ?
Nous avons vu que plusieurs candidats ont parlé d’une baisse d’impôts. En principe, nous ne sommes pas contre cette mesure. Mais il faut regarder plus large, ne pas uniquement penser à la ferme. On se demande si cette baisse de recettes n’aura pas un impact sur les services dans les petites communautés comme la nôtre, sur nos centres culturels, nos écoles. J’espère que ce ne sera pas le cas.
Lorsqu’on vit des moments de grand stress ou de grande incertitude comme présentement, les petites communautés jouent un rôle très important car nous pouvons pendant un moment oublier tout ce qui se passe, nous rassembler, rire, de temps à autre passer aux larmes. C’est vraiment une question de santé mentale. Ça fait du bien de se réunir, de partager entre Fransaskois.
Soraya Ellert – Domremy
Quelles sont vos préoccupations en ces temps électoraux ?
Ma première préoccupation, c’est tout ce qui est en rapport avec la sécurité sociale des aînés. Je ne veux pas travailler jusqu'à 70 ans. Je veux m'assurer qu'il y a un bon gouvernement en place qui prendra soin de leurs aînés.
Deuxièmement, il y a la question des fonds de retraite. Avec tout ce qui se passe, ça fait peur, parce que ça affecte nos fonds de retraite. Ça peut partir en fumée.
Je sens qu’il y a des candidats qui sont plus solides que d'autres pour faire face à cette menace. Nous avons besoin d’un leader fort.
Je sens que, même dans les petites communautés comme la nôtre, les gens commencent à se poser des questions, je vois la réaction des gens et je me demande s’il n’y aura pas un changement de tendance dans cette élection. J'ai hâte de voir les résultats.
Vous êtes dans un village qui repose sur l’agriculture. Comment vous affecte tout ce qui se passe avec les États-Unis en ce moment ?
Les tarifs ont été très mal perçus. On en entend beaucoup parler, il y a une crainte pour la vente de la prochaine moisson qui va s'en venir à l'automne. C’était presque le seul sujet de discussion, je pense que cela va avoir un impact dans les résultats.
Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?
J'ai peur. Qu'est-ce que ma petite fille va vivre dans 10 ans ? Ça me fait peur quand je pense à vers où on s'en va. J'ai le sentiment qu'on s'aligne vers une récession.
Si ça arrive, ça va affecter nos jeunes parce que les espoirs d'emploi et leurs possibilités de s’acheter une maison vont être affectés. Même pour s'acheter une voiture, ça risque de les affecter parce qu’ils n’auront pas d’emploi permanent, pas d’accès au crédit. Je pense qu'on risque d'avoir nos jeunes plus longtemps à la maison.
Notre génération a eu beaucoup d’opportunités et, en plus, on a eu la chance d'entendre nos grands-parents nous parler de moments de récession ou de la guerre. La génération actuelle n’a pas ce vécu, ils sont moins prêts que nous.
Je pense qu’il faut éduquer les nouvelles générations à toutes ces questions économiques, de budget. En tout cas, j’essaie de faire ça à la maison.
La francophonie peut-elle aider dans ce contexte ?
Nous devons toujours répondre présents, ne pas nous effacer. Il y a assez de défis reliés au fait qu'on est une communauté minoritaire, mais je ne sais pas ce qu'on pourrait faire de plus. Parce que, présentement, pour exister, pour conserver notre langue et culture, c'est déjà un travail phénoménal.
Nous devons continuer à éduquer nos jeunes l'esprit communautaire. La nouvelle génération n’a pas nécessairement cette valeur. Nous devons travailler sur la transmission et la relève.
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